Brusquet a écrit ::dirol:

Le rugby paraît un jeu si simple quand on le joue ainsi : tu mets 20 points en première mi-temps, 20 points en deuxième, et ça t'en fait 40 à la fin ; deux essais par les avants, deux essais par les trois-quarts, et tu as ton bonus bien au chaud, tout le monde ayant participé, tout le monde pouvant prendre un verre de jus et une part de gâteau, merci et à la semaine prochaine.
On perd pour un trimestre celui qui semble notre meilleur attaquant — même pas mal, on en a encore trois comme lui dans les cartons. On se fait chahuter un peu en mêlée — même pas mal, on se rattrape en volant des touches et des ballons au sol. On joue en infériorité numérique — même pas mal, "Safety Joe" est là en fond de terrain pour ramasser tous les coups de pied à suivre, Gailleton-Marathon peut défendre une ligne de 40km si besoin, et on se paie même le luxe de marquer sur un maul.
Aaaah, vraiment reposant ce sport...
Pourtant, à la 50e, après 4 fautes débiles ou minimales, un faux rythme pour t'engluer les jambes et les Lyonnais revenus à 23-15, je me disais : "Revoilà notre Section, celle qui ne tue jamais un match et fut capable de perdre au Racing avec le bonus OFFENSIF !" Mais non, il dut y avoir ce que Piqueronies appelle une bonne RÉGULATION — la fameuse —, qui déboucha sur une bonne quinzaine de duels gagnés, un Arfeuil qui, heureusement, n'a pas encore intégré l'obligation, dictée par les DATAS, de ne surtout pas prendre de risques dans sa moitié de terrain, et nous voici de retour dans l'en-but lyonnais et sous un seuil de tension anormalement bas.
Et tout cela, lors d'un beau samedi d'automne, qui est comme chacun sait la plus belle saison en Béarn, lorsque le soleil traversant l'air un peu humide te fait scintiller un gazon à l'anglaise. Vraiment, aucun sport de brutes n'est aussi apaisant...
Dès lors, la seule question intéressante fut posée à la fin par l'intervieweuse de Canal à Aaron : "Qu'est-ce que vous avez changé depuis la semaine dernière et la match à Clermont ? — 5 ou 10% d'intensité en plus..." C'est net, mais ça reste pour moi toujours mystérieux. Comment fait-on pour déclencher ce surplus d'énergie ? Comment se fait-il qu'on en manque à certains matchs ? La motivation des joueurs fluctue-t-elle à ce point ? (J'imagine qu'ils avaient tout de même bien envie de s'offrir les Clermontois... mais moins envie que les Clermontois eux-mêmes ?) Alors bien sûr, il y a notre attelage Auradou-Maximin, qui semble nous transformer et crever l'adversaire — c'est désormais officiel. Mais pour le reste, les deux équipes qu'on a vues entre Michelin et le Hameau étaient largement comparables. Nos métamorphoses me laisseront toujours esbaryé.
Bref, bien malin celui qui pourra jauger le niveau constant d'une équipe et prédire ses résultats d'un samedi sur l'autre, surtout dans ce championnat de tarés où 12 équipes sur 14 jouent clairement le Top6, où l'on considère que c'est déchoir de ne pas gagner avec le bonus à domicile, où tu crois t'enterrer s'il t'arrive de repartir des 22m adverses sans points inscrits, où une même équipe peut rouler sur un adversaire et se faire rouler dessus par le suivant sans la moindre transition.
Ce qui est sûr, c'est que cette intensité supplémentaire s'est bien vue sur le terrain, et que cette victoire pourra nous servir de match-référence. D'habitude, en dehors des lancements en première main derrière touche ou mêlée, on voit souvent la Section attaquer à plat, avec des avants presque arrêtés, qui ne gagnent pas 1m. Cette fois, même si on a parfois échoué devant la ligne, les courses étaient tranchantes, chacun arrivait lancé comme un frelon, et les passes tendues n'ont quasiment pas causé d'en-avant. Les soutiens offensifs ont été d'une rare efficacité, toujours présents dans l'instant, et Thibault a ainsi pu jouer presque dans un fauteuil. Si on sait reproduire ça, on pourra connaître quelques heures de gloire.
De fait, on a eu des déclarations jamais entendues : "Leurs rucks sont trop rapides [...] ; j'ai l'impression qu'ils sont au-dessus physiquement" (Berdeu) ; "on a été dominés dans tous les secteurs" (Guillard). Il faut avoir suivi la Section ces 5 dernières années pour comprendre la rareté de ces paroles.
Autres mots incroyables — ceux de Piqueronies résumant la carrière de Thibault, et n'hésitant pas à se tourner vers l'
avenir en annonçant tout ce qu'il va encore découvrir et croquer (on devine : Champions Cup, phases finales, à nouveau les Bleus ??). Et l'image incroyable : Arfeuil qui va demander une photo à Ethan Dumortier, après lui avoir laissé sa carte de visite en plusieurs exemplaires, notamment sur ce bijou de raffut pour l'essai de Brau-Boirie. Quand le talent rime avec humilité, avec admiration, avec rêves de gosse... Et si c'était ça, L'ESPRIT SECTION ?
