Ce match était tout simplement extraordinaire : le rugby est déjà en soi un jeu de fous à lier, mais dans ce jeu, la Section est l’équipe la plus folle que j’ai jamais vue… Comment dire ? Elle est l’équivalent d’un Gaël Monfils du Top14, capable de sortir un coup de génie et de s’enterrer au coup suivant, de jouer comme un prétendant au Brennus puis comme un relégué de Fédérale ; une belle promesse perpétuelle, sans aucune garantie de retour sur investissement, mais qu’est-ce qu’on vibre en misant sur elle ! Première mi-temps, je suis le roi du pétrole, je veux appeler la terre entière, je cours autour de mon ordi en serrant les poings victorieux ; deuxième mi-temps, aucun plaisir, je suis humilié à chaque action, je fais des « squats » pour ne pas défaillir devant mon écran, je ne veux plus parler à personne ; coup de sifflet final, bouffée de joie, libération, mais comment faire redescendre cette pute de tension ? Rien que d’imaginer ce que ç’aurait été de perdre avec un tel score à la mi-temps, t’as la bouche qui se sèche, alors là, de savoir qu’on tient enfin nos 4 points à l’extérieur, pour la 2e fois de l’année seulement, mais faut se pincer la couenne, c’est trop beau pour être vrai !
Ce scénario, on le connaît par cœur, je finis même par croire que nos joueurs le répètent à l’entraînement tellement ils le maîtrisent à la perfection — c’est le plan de la défaite impensable contre le Stade Français en octobre 2022, qui nous hantera encore pendant une décennie. On l’a vue venir grosse comme une maison cette remontada infamante des Lyonnais : tous les voyants étaient au rouge, un chemin balisé vers cette catastrophe, jusqu’à la dernière touche qu’on offre sans aucun suspense à l’adversaire, entourée d’un joli ruban vert et blanc, pour qu’il nous défonce sur la sirène. Eh bien non, miracle, le pire nous a été évité : on se réveille sans y croire dans un week-end lumineux, à pouvoir encore rêver sur cette fin de saison avec un cœur d’enfant — et vous voudriez qu’on se plaigne ? C’est pas beau, une histoire qui finit bien ?
Franchement, qui à part Pau peut nous offrir une action comme la dernière défense dans notre camp qui mène au grattage de Gorgadze ? Car dans cette action, Manu monte en pointe désosser son adversaire direct, puis contre-ruck palois couronné de succès, le ballon est sous nos pieds, et… personne ne le ramasse ! Contre-poussée des Toulonnais qui récupèrent la
veishiga, et nous remettent à la torture… Mais on arrive malgré tout à ne pas craquer et à sortir un nouveau grattage, nous qui ne grattons pas un ballon de l’année, qui sommes systématiquement martyrisés dans le jeu au sol ?! Est-ce que tout ceci ne défie pas le sens commun ?
Avant d’évaluer froidement notre prestation, je voudrais quand même me pencher sur la folie, ou pour mieux dire la couillonnerie de ce sport, en parodiant le divin Herrero (
https://www.youtube.com/watch?v=rAMG3sXC7ac— 30") : est-ce qu’on se rend compte que, durant ce match, à chaque appel vidéo, on a entendu des arbitres débattre sur un ton très sérieux en échangeant des arguments comme « On n’a pas le droit de sauter par-dessus un joueur dans le regroupement / Ah si, il existe une exception, si tu sautes par-dessus un joueur pour aplatir dans l’en-but, alors là tu as droit de sauter » ; ou bien « sur ce toucher d’en-but, le joueur a-t-il roulé sur lui-même, glissé, ou rampé ? Et le ballon qui était dans la main droite, comment est-il passé dans la main gauche ? » Bref, arrêtons-nous deux minutes et reconnaissons que les règles de ce sport et la science qu’on fait mine de leur appliquer sont dignes d’un dialogue du Docteur Knock (
https://www.youtube.com/watch?v=xwQ4Zt6Me9s) et semblent faites pour rendre aliéné ou hystérique tout individu rationnel normalement constitué qui aurait le malheur d’accorder une importance à ce jeu.
Une fois qu’on a dit ça, je lis avec intérêt que l’on doit notre victoire à l’arbitre, et merci de me le préciser parce que ça ne m’avait pas sauté aux yeux : j’ai cru naïvement que c’étaient nos joueurs qui avaient marqué 29 points et deux de plus que l’adversaire, mais je me rends compte de mon erreur ; j’ai eu l’impression que c’était le jeune Parrou qui pliait son vis-à-vis en mêlée, alors qu’en fait c’était le corps arbitral qui le poussait aux fesses ; il m’a semblé voir une sautée au laser de Despérés allant chercher l’espace sur l’essai de Hewat, mais c’était sans doute le fait d’un arbitre de touche ; j’ai cru aussi voir Laporte adresser une passe au pied de dentellière à son ailier, mais ce geste était l’œuvre de Monsieur Urruzmendi... Le même Urruzmendi qui claque la pénalité de la mort malgré le vent à la 76e, se révélant meilleur que le néo-Bayonnais Segonds et notre ami Zack Henry qui échouent à convertir une balle de match au même moment sur les autres terrains. À la réflexion, c’est logique, c’est forcément Monsieur l’Arbitre, ça ne peut pas être ce bon garçon de Daubagna, entré en jeu au bout de 5 minutes et déjà perclus de crampes, qui a réussi un geste d’un tel sang-froid. Cela ne lui ressemble pas.
Bon, arrêtons de regarder les derniers faits de jeu comme il y en a toujours dans une partie. C’est la même chose quand on perd sur une cagade de dernière minute : en général, ce n’est pas là que tu perds le match, mais bien en amont, dans les temps forts de 1ère mi-temps que tu n’as pas su exploiter. Eh bien là, désolé, malgré l’énorme vendange d’Attisogbé qui oublie Laporte, on a fait à peu près le plein durant ce début de match, contre le vent, et avec une variable nouvelle qui m’a fait énormément plaisir : on est allé plusieurs fois en pénaltouche. Si on avait pris les 3 points dans ces moments-là, l’escarcelle n’aurait sans doute pas suffi à contenir la furie lyonnaise. C’est donc notre audace et notre talent qui nous ont assuré la victoire, ni plus ni moins. Si tu prends notre performance moyennasse à Castres cette année, on aurait été arbitré pareil qu’hier, eh bien on n’aurait pas gagné pour autant.
L’effondrement de la 2e mi-temps est spectaculaire, et bien sûr qu’on peut tuer le match en marquant sous les poteaux dès notre première occasion, mais à regarder les compo, fallait pas être un grand sorcier du rugby pour savoir qu’on allait souffrir au moment où Lyon viderait son banc. Honnêtement, Guillard a dû toucher 85 ballons hier, il a rincé notre pack à lui tout seul ; le peu d’énergie qu’il nous restait, on a dû le dépenser pour tenter d’arrêter Marchand et Radradra. D’ailleurs, j’invite tous ceux qui se plaignent de notre 10 à se proposer pour l’exercice du plaquage face à cet artiste fidjien qui a oublié l’orthographe et la définition du mot « crochet » et qui peut jouer sans problème n°8 sans rien changer à son style.
Donc respect aux joueurs qui ont défendu la ligne dans ces conditions et qui ont refusé de nous infliger une 5e défaite au goût écœurant : merci les gars. Vous êtes incompréhensibles, et je perds un peu d’espérance de vie avec vous, mais merci, merci encore, on vous soutiendra jusqu’au bout, et on veut vous voir avec le même courage et le même esprit d’attaque face à Toulon !
Annexe : vous trouvez vraiment que la charge de Tuipulotu est répréhensible ? Je le vois attaquer sous la ligne des épaules et bien enserrer Guillard avec ses bras. J’aurais pas voulu prendre un tel cachou, mais est-ce que ça mérite vraiment une pénalité ?
"Je connais un type qui est tellement con qu'il ne comprend même pas ce qu'il pense." (Philippe Geluck)