En regardant les histoires de Titi et Gros Minet, je me suis toujours senti mi-figue mi-raisin, et je vois que je ne suis pas le seul. Eh oui, quand Gros Minet se fait éclater contre un mur, jeté du haut du ciel, bouffé par les lions, découpé par son chien-robot, tu as beau être du côté du Titi, tu gardes un léger goût amer ; pour un peu, tu voudrais que le chat soit payé de ses efforts et tu admires sa persévérance.
Hier, le
Gat gascon, éreinté par les malices du
Poriquet de la Préfecture, a fini haché menu par les traumas, les cartons et la fatigue. Or, comme tout Béarnais cache une âme de romantique derrière son
hilh de pu**, il aurait préféré terrasser un adversaire en pleine possession de ses moyens, voire légèrement avantagé par les faits de jeu, pour récolter une gloire incontestable et qu'il n'y ait pas de "Mais..." dans les discussions à l'estanquet.
Mes atau qu'ei, estimats vesins : à vous de goûter les joies de l'infirmerie où ça chante "Ah qu'est-ce qu'on est serré !" en faisant tourner les serviettes d'une main, tandis que l'autre bras reste en écharpe. Nous vous rendons hommage et vous tirons notre béret : vous n'avez pas baissé les armes. Même à 14, avec Habel-Kuffner qui changeait de poste pour la 3e fois (j'ai cru qu'il allait finir par jouer 9), ça relançait toujours, ça se sacrifiait en bord de ruck, ça grignotait son goal-average. On voit que vous n'étiez pas demi-finalistes pour rien. Honnêtement, n'importe quelle autre équipe (nous compris), aurait sans doute pris 20 pions de plus. "Tout est perdu, fors l'honneur", auriez-vous pu dire, comme un roi de France défait en Lombardie, au sortir de ce champ de bataille du Hameau, couvert de corps déchiquetés en ciel et blanc.
E deu noste costat ? Je crois qu'on ne réalise pas suffisamment ce qui est en train de se produire.
D'abord rappelons-nous deux secondes qu'on aurait pu passer à côté et laisser la victoire aux copains de Maqala, qui n'étaient pas venus sans argument : la honte et le coup d'arrêt qu'on aurait subis ! L'abattement général ! Le tombereau d'insultes sur nos joueurs, qui "n'y arriveront jamais" ! Ceci juste avant de recevoir Toulouse, qu'on aurait attendu la mine basse et la peur au ventre. La grimace rien que d'y penser.
Et puis rappelons-nous surtout d'où on vient ! Rien que les défaites de l'an dernier face à Bordeaux, puis à Anoeta, qui enterrent nos rêves de Top6. Puis ces longues après-midi où on faisait du large-large sans jamais franchir, en rebondissant sur les défenses...

Certains auraient-ils oublié ? Pas tous, au vu des indicateurs de sommeil détérioré à l'approche de ce match. Mais il faut cultiver cette mémoire pour donner à nos succès toute leur valeur !
Trois bonus offensifs d'affilée sur trois réceptions face à la tête de liste du moment... Qui l'aurait imaginé lors de nos amicaux du mois d'août ? Et des bonus qui vont coûter cher, dans un championnat plus serré que jamais où la qualif se jouera sur la moindre unité. 5 ou 6 franchissements par match, des mauls qui avancent sur 20m, des collisions dominantes... et tout ça, sans avoir changé plus d'un ou deux mecs dans l'effectif ! Mais ça vous paraît anodin, vous ?
La victoire s'est dessinée bien avant la 7e blessure bayonnaise. Revoyez-vous cette action monumentale sur le premier essai d'Arfeuil — plaquage offensif dément de Gailleton sur Tiberghien, contre-ruck ravageur d'Auradou arrivé comme une balle, passe sur un pas de Laclayat, et deux passes au sol pour finir le boulot, malgré le super repli défensif des Gascons. Certains réclamaient de la férocité pour compléter notre jeu de mouvement — je crois qu'on a désormais la synthèse parfaite ! Regardez ce Bibi propulsé comme une bombe humaine qui oblige le Capitaine adverse à signer trois mois d'arrêt de travail pour l'arrêter... Oh Bibi, tu vas me manquer face à Toulouse ! Regardez la partie de Maddocks : on dirait pas, mais il a bonifié plein de ballons pourris en s'arrachant sur 7-8 mètres avec trois défenseurs sur le râble. Ça c'est un état d'esprit ! Et cette relance sur l'essai de Simmonds... L'action durait depuis 4 min, terrain traversé trois fois, on venait de sauver un ballon chaud dans notre camp, tout le monde tirait la langue et attendait un jeu au pied. Le culot qu'il faut pour envoyer la cavalerie à ce moment ! Là tu peux croire que c'était pas dicté par les DATAS ! C'est du "bearny flair" tout simplement !

Un des facteurs mentaux peut-être, outre cette rotation généreuse contre Toulon : certaines années, les joueurs minimisaient un peu l'aspect derby, le laissant aux seuls supporters (me souviens d'une réponse d'avant-match de Laporte, disant que Bayonne était un adversaire comme un autre) ;
augan au contraire, on l'a vu en conférence, Piqueronies a choisi d'embarquer tout le monde dans cette appréhension du derby, pour que chacun ait la bave aux lèvres et ce supplément d'âme. Les joueurs s'identifient davantage à la mentalité du public, et ça se voit sur le pré !
Alors, ne faisons plus les
tisoquèrs. On est enfin monté dans l'ascenseur, après tant d'années à le regarder partir sans nous : impossible de dire à quel étage on pourra s'arrêter ! Il y aura des périodes ingrates, en l'absence de tous nos internationaux, avec le froid et la pluie qui paralyseront notre jeu, les blessures qui feront leur retour. Donc ne nous emballons pas, mais ne faisons pas non plus comme si c'était une période comme une autre. Sportivement, pour la Section, ça pue le moment historique à plein nez. Regardons juste un peu en bas, où on était il y a peu, pour bien se délecter de l'ascension en cours, et profiter du paysage vu d'en-haut !
"Je connais un type qui est tellement con qu'il ne comprend même pas ce qu'il pense." (Philippe Geluck)